vendredi, avril 26, 2024

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Attention au biais du survivant en marketing

Dans l’absolu, les distorsions cognitives constituent un sujet passionnant, et en ce qui concerne le domaine du marketing, elles méritent une attention toute particulière. En effet, si l’on n’y prend pas garde, ces schémas de pensée irrationnels peuvent obscurcir le jugement du meilleur des marketeurs.

Parmi ces biais à connaître, celui dit « du survivant » représente indéniablement l’un des plus trompeurs, conduisant systématiquement à une surestimation de ses chances de réussite. Essayons de mieux comprendre de quoi il s’agit et comment en éviter les pièges lorsqu’on analyse des données ou que l’on élabore une stratégie.

Qu’est-ce que le biais du survivant ?

Un biais cognitif qui fait prendre de mauvaises décisions

Notre cerveau est une machine incroyablement complexe et fascinante. Mais il lui arrive parfois de se laisser berner par des réflexes très subjectifs. C’est ce qu’on appelle un biais (ou une distorsion) cognitif.

Les personnes qui réussissent, les entreprises qui performent ou les stratégies marketing qui cartonnent sont largement mises en avant. On a alors tendance à se dire qu’en suivant leur exemple, nos probabilités de succès sont très élevées.

Alors que les projets qui échouent dans les mêmes conditions demeurent passablement inaudibles, noyées dans une sorte de bruit de fond. Ce faisant, la donnée rationnelle du ratio « réussites / échecs », qui tient évidemment compte de toutes les tentatives, est purement et simplement ignorée.
Or il va sans dire que prendre des décisions sur la base d’une irrationalité ne conduit généralement pas à de bons résultats …

Une histoire de bombardiers anglais

Pour comprendre la genèse du biais du survivant, il nous faut revenir à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale, lors des premiers raids aériens britanniques sur l’Allemagne.

Imaginez-vous que vous êtes un ingénieur aéronautique, et que l’on vous confie la tâche de renforcer le blindage des bombardiers, mais sans toutefois trop dégrader leur autonomie. Vous devez donc ajouter des couches protectrices avec parcimonie pour ne pas alourdir les avions.
Soit, mais où les installer ? Le réflexe initial consisterait à repérer les zones les plus criblées d’impacts sur les aéronefs qui sont rentrés à la base … mais c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire !

En réalité, ainsi que l’ingénieur Abraham Wald l’a démontré, il convient de s’intéresser aux zones sans impacts, car ce sont elles qui, une fois touchées, ont conduit à la perte des bombardiers qui, eux, ne sont jamais revenus à la base.

En se focalisant sur les « survivants » uniquement, le raisonnement s’en trouvait donc biaisé, et les conclusions totalement erronées.

Des success stories difficiles à généraliser

Aujourd’hui encore, le biais du survivant est présent dans tous les aspects de la vie, avec une quantité innombrable de livres et de reportages sur des success stories qui négligent d’évoquer le côté extraordinaire de ces réussites.

Alors, oui, les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) étaient de simples start-ups à leurs débuts, mais le taux de survie d’une telle entreprise après trois ans d’existence demeure incroyablement faible. Il est important d’en être conscient, car seules les données factuelles peuvent limiter le recours aux conclusions hâtives.
Pour dire les choses autrement, si certaines méthodes de travail sont effectivement plus efficaces que d’autres, la part que représentent le hasard, la conjoncture et une multitude de facteurs individuels ne doit pas être négligée.
Nous aimons tous avoir un sentiment de contrôle sur notre destinée, mais c’est paradoxalement en acceptant ses limites que l’on peut véritablement en tirer avantage.

Ce qu’implique le biais du survivant pour les marketeurs avertis

Ce qui a marché pour certains marchera-t-il pour vous ?

Vous dîtes peut-être que ce type de biais cognitif est un sujet intéressant, mais qu’il ne vous concerne pas directement dans le cadre de votre travail.
Déjà, de nombreux biais cognitifs peuvent vous aider à atteindre vos objectifs en marketing.

Mais plus spécifiquement pour le biais du survivant, l’expérience montre que le domaine du marketing n’échappe pas à cette problématique. Nous avons tendance à surestimer la pertinence des stratégies qui ont été des succès, tout en oubliant de nous questionner sur le nombre d’acteurs qui ont échoué en essayant les mêmes « recettes ».

Des exemples pour lesquels la prudence s’impose

Pour citer un exemple en illustration, prenons les agences de conseil en e-mailing, qui n’hésitent pas à mettre en avant des hausses remarquables des ventes de leurs clients grâce à certains modèles de courriels.
Bien entendu, il ne s’agit pas de remettre en cause la pertinence desdits modèles, mais il convient de resituer cette annonce accrocheuse dans son contexte : d’une part, ces augmentations ne concernent généralement que certains clients, et d’autre part, les agences utilisant peu ou prou le même modèle mais sans avoir obtenu de performances notables n’en ont tout simplement pas fait mention.

En outre, le biais du survivant doit absolument être pris en considération dans le cadre des campagnes d’enquêtes de satisfaction, qu’elles concernent un produit / service spécifique ou bien une marque. En effet, si vous n’y prenez pas garde, une telle enquête vous posera deux problématiques : le fait que seules s’exprimeront les personnes ayant les positions les plus tranchées, et l’absence de prise en compte des avis de vos anciens clients.
Après tout, s’arrêter uniquement à la clientèle actuelle revient à restreindre votre échantillonnage aux seuls « survivants », ceux qui ont continué à acheter vos produits / services jusqu’à maintenant.

Quant à la tentation de réutiliser des stratégies marketing ayant fait leurs preuves dans d’autres entreprises, nous ne saurions trop vous conseiller d’agir avec prudence, parcimonie et objectivité.
En effet, n’oubliez jamais que le socle sur lequel vous devez bâtir vos campagnes se compose de vos buyer persona et des spécificités propres à votre secteur d’activité. Vous devez connaître aussi précisément que possible vos clients et prospects, ainsi que l’environnement dans lequel vos produits / services seront commercialisés puis utilisés.
Certes, il est parfois utile de s’inspirer d’une stratégie mise au point par une autre société, mais dans ce cas, prenez le temps de vous demander comment l’adapter à vos propres besoins, en tenant compte de vos expériences passées.

Corrélation n’est pas causalité !

Dans la pratique, que vous vous apprêtiez à lancer une enquête (de notoriété ou de satisfaction), ou que vous soyez en pleine réflexion sur votre prochaine campagne marketing, méfiez-vous du biais du survivant, afin qu’il n’obscurcisse par votre raisonnement.
Mais ne tombez pas non plus dans l’excès inverse, qui consisterait à supposer qu’une expérience réussie serait nécessairement douteuse. Comme toujours, la solution idéale réside dans la quête du juste milieu.

De surcroît, lorsque l’on vous présente une success story, sachez différencier une simple corrélation d’une causalité (telle action a-t-elle vraiment entraîné à elle-seule tel résultat ?).

Tentez également, du mieux possible, d’estimer la probabilité de réussite de cette approche dans le cadre de votre secteur d’activité, et lorsque vous lancez des sondages, essayez de questionner aussi vos ex-clients (de manière à avoir une base de données plus exhaustive).

Enfin, s’il est toujours intéressant de comprendre comment d’autres entreprises ont réussi certaines de leurs actions marketing, il faut élargir la question en se demandant pourquoi ces stratégies ont pu fonctionner.
Ainsi, vous serez davantage en mesure d’évaluer leur pertinence pour votre société, et de les adapter le cas échéant en ayant conscience de leurs limites.

Crédit photos : Enzo Tommasi, Gritt Zheng

WEB TV B2B

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